vendredi 21 décembre 2012

"Le livre des histoires perdues", Reinhardt Jung

Paru en Allemagne en 1998, Le livre des histoires perdues de Reinhardt Jung, auteur pour la jeunesse récompensé a de nombreuses reprises dans son pays, vient d'être traduit pour la première fois en France aux éditions Alice. C'est un livre assez singulier, un recueil d'histoires enchâssées dans une autre histoire.
Bambert est un homme de petite taille et difforme. Ses difformités l'empêchent de marcher normalement et lui provoquent de grandes douleurs... à cause de cela, et par peur des moqueries et du regard des gens, il préfère rester chez lui. Il a pour unique compagnon Monsieur Flor, son locataire qui occupe le rez-de-chaussée et y tient une petite épicerie. Grand érudit et écrivain de talent, Bambert n'a encore jamais osé montrer ses histoires... Pourtant, un jour, il décide de les faire voyager pour leur donner vie! Onze histoires vont ainsi être envoyées dans les airs à l'aide de petits parachutes faits en papier japonais, comme autant de bouteilles à la mer. Il espère qu'elles atterriront dans des pays lointains, seront lues et lui seront renvoyées. Bambert attend pendant longtemps le retour des histoires, et, voyant qu'elles ne reviennent pas, sombre peu à peu dans la déprime. Mais, un beau jour, une histoire lui revient d'Irlande, puis quelques temps plus tard d'Espagne, puis, une autre encore de Russie! Bambert reprend espoir. Son histoire intitulée l'Oeil de la baleine, qui lui revient de Dublin, se déroulera donc sur une plage d'Irlande, celle de la princesse qui ne souhaitait pas se marier, en Espagne, etc! Peu à peu, on découvre que c'est en fait Monsieur Flor qui récupère les histoires égarées dans la ville (elles n'ont jamais franchi la périphérie) et les lui renvoie en les affranchissant des beaux timbres étrangers de sa collection... Malheureusement, la dernière histoire semble bel et bien perdue. Monsieur Flor ne peut rien faire d'autre que regarder, impuissant, Bambert sombrer une nouvelle fois...
J'ai été assez touchée par cette histoire, lumineuse et sombre à la fois. Bambert est un homme très sensible et très triste qui voyage grâce aux livres et aux histoires qu'il invente sans cesse et qui se bousculent dans sa tête. Faire voyager ses histoires, c'est aussi pour lui le moyen de sortir de lui-même, et c'est d'autant plus émouvant qu'il sait qu'il ne verra jamais les pays d'où reviennent les histoires. Toutes ses histoires, qui sont plutôt des nouvelles étranges et fantastiques, ponctuent d’ailleurs agréablement le fil du récit. On croit jusqu'au bout que ce projet lui donnera l'envie de voyager lui-aussi, mais l'histoire se termine assez mal, la vie n'est pas toujours rose... Néanmoins, la fin de l'histoire est assez poétique. C'est Monsieur Flor qui en écrit le dernier chapitre, constituant ainsi la dernière histoire du Livre des histoires perdues, en y racontant le premier et dernier voyage de son infortuné compagnon. Bambert rejoint donc ses histoires et peut-être que, grâce à Monsieur Flor, il continuera de vivre à travers elles.
"Monsieur Flor posa son stylo, se relut et plaça la dernière histoire à la suite de toutes les autres. Heureusement, songea-t-il, heureusement qu'il nous reste son livre!"

Le Livre des histoires perdues, Reinhardt Jung, Alice éditions, 2012

vendredi 7 décembre 2012

"Dingo et le sens de la vie", Agnès Desarthe

Qu'ont en commun une petite linotte prénommée Dingo à qui la curiosité joue des tours, un chat prénommé Pacha qui préfère se prélasser que chasser, et une vache dénommée Vénus "qui a autant de sagesse que de paresse dans le corps"? Rien! Sinon qu'ils se retrouvent tous à un moment de ce petit livre joyeux et frais, et magiquement illustré par Anaïs Vaugelade!

Ce petit roman, divisé en trois chapitres, s'attache tour à tour à l'histoire de ces trois personnages: Dingo, Pacha, puis Vénus.

Dingo va vivre une aventure bien curieuse avec Pacha mais ne s'en souviendra plus dès le lendemain (c'est ça d'être une tête de linotte!); à la suite de cela Pacha deviendra la risée des autres chats du quartier et se sentira un peu comme le vilain petit canard, puis, suite à un retournement inattentu, ils trouveront refuge auprès de la sage Vénus! Finalement, la vie est faite d'une suite de hasards étranges, et comme dit la vache Vénus: "Nous sommes tous un peu bizarres si on y réfléchit. L'important c'est..."

Bon... Vénus s'endort avant d'aller au bout de sa pensée mais moi je vais quand même jouer à la sage vache et vous donner le fond de la mienne! L'important, c'est de savoir laisser place aux hasards de la vie, aux rencontres et aux imprévus, car ils peuvent nous emmener loin! Alors, à quoi bon se préoccuper du sens de la vie quand on peut vivre d'amour... et de bouse fraîche (cf page 53)!

Dingo et le sens de la vie, Agnès Desarthe, L'Ecole des loisirs, "Mouche", 2012