vendredi 28 septembre 2012

"Lampedusa", Maryline Desbiolles

Une île au loin. Le rêve de vacances d’une modeste famille française; le rêve d’évasion d’une famille de réfugiés tunisiens pris ensuite dans la tourmente libyenne. Un caillou au milieu de la méditerrané, le point commun de deux vies abîmées.
Lampedusa, c’est l’histoire courte d’une rencontre, de deux vies qui se croisent, celle d’une petite fille française qui vient de perdre son père (et le rêve de vacances à Lampedusa), celle de Fadoun, immigrée Tunisienne et réfugiée de Libye. Ici, l’actualité brûlante est évoquée mais brièvement, sans en rajouter, avec beaucoup de compassion et de délicatesse.
"Oui, c'était bien une île de rêve, mais pas seulement celui de vacances et de plages de sable blanc, pas celui que nous avions eu avant que mon père disparaisse, oui, c'était bien une île de rêve, d'un rêve si puissant que des hommes, des femmes, des enfants [...] n'hésitaient pas à embarquer sur des pneumatiques pour rejoindre Lampedusa, quitte à y laisser la peau..."
Tout semble séparer ces deux petites filles, pourtant, une même douleur les habite, une même rébellion les réunie. Toutes deux ont dû quitter leur maison, ont été arrachées à leur petit monde, et toutes deux ont perdu un être cher.
"Lampedusa est l’île que nous n’avons pas connue. Elle n’est plus pour moi ce très étroit territoire de vingt kilomètres carrés, mais un trou, un manque, le vide même de cet été où nous ne sommes pas partis"
Fadoun apaise la narratrice de l’histoire (dont on ne connaîtra pas le nom) par le récit de sa vie dans le désert tunisien. Fadoun la heurte aussi par le récit de son parcours de réfugiée. "Il me semble que j'ai toujours su que Fadoun avait été naufragée, et je frémis d'entendre ce que je connais déjà." Presque sans paroles ces deux-là vont se soutenir mutuellement avec un projet commun : voir la mer qui n’est pourtant pas loin.
Comme un rêve, ce texte bref à l’écriture poétique est d’une fluidité surprenante. Avec une économie de moyens, Maryline Desbiolles, poète et romancière, parvient à raconter deux vies qui tentent de se reconstruire. Elle raconte aussi la mer, qu’on ne voit jamais mais qui est omniprésente, à la fois menace et promesse d’un ailleurs. Un beau texte baigné de mélancolie à la fin pleine d’espoir.

Lampedusa, Maryline Desbiolles, Ecole des Loisirs, "Médium, 2012

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