vendredi 3 octobre 2014

"Humains", Matt Haig

"J'ai découvert que les mots et les histoires nous procuraient des sortes de cartes géographiques, des moyens de retrouver le chemin vers nous-mêmes. Je crois sincèrement que la fiction a le pouvoir de sauver des vies et des têtes précisément pour cette raison. Mais il m'a fallu beaucoup de livres pour arriver à celle-ci, l'histoire que je voulais écrire en premier. Celle qui tente de jeter un coup d’œil sur la beauté étrange et parfois effrayante de la condition humaine". 

Voilà ce qu'écrit Matt Haig, l'auteur de Humains, en toute fin du livre, résumant ainsi parfaitement l'idée de ce roman qu'il a eu alors qu'il faisait une dépression. A cette époque, comme il l'explique dans les remerciements, la vie n'avait plus aucun sens pour lui et il se sentait tout à fait étranger au monde dans lequel il vivait. Un peu comme un extra-terrestre qui aurait débarqué sur une nouvelle planète. Un peu comme le personnage de son roman.
                      
Celui-ci vient d'une planète nommée Vonnador et il a pour mission de détruire la découverte scientifique faite par un mathématicien, Andrew Martin, professeur à l'université de Cambridge. Cette découverte pourrait, en effet, révolutionner l'humanité et changer la face de l'Univers de manière catastrophique. Le vonnadorien, extrêmement intelligent, comme tous ceux de son espèce, débarque donc sur Terre dans le corps de ce mathématicien, tué par les extra-terrestres par la même occasion. Il va donc devoir vivre avec la famille de celui-ci, sa femme Isobel et leur ado de fils Gulliver, alors qu'il exècre les humains qui sont, à ses yeux, grotesques, incohérents, violents, cupides et sous-évolués.

"... l'humain est une forme de vie réelle, bipède, d'intelligence médiocre, qui mène une existence largement bercée d'illusions, sur une petite planète aqueuse, dans un recoin très isolé de l'Univers. [...] Leur conversation exprime très rarement ce dont ils souhaitent réellement parler [...] et n'oublions pas les choses-qu'ils-inventent-pour-se-rendre-heureux-et-qui-ne-font-que-leur-malheur. La liste est infinie. Elle comprend entre autres : faire du shopping, regarder la télévision, chercher le meilleur emploi, acheter la plus grosse maison, écrire un roman semi-autobiographique, éduquer leurs petits, donner à leur peau un aspect légèrement moins flétri, et entretenir le vague désir que tout cela ait un sens."

Mais, plus il en apprend sur la planète Terre et ses habitants, plus sa curiosité grandit et plus il commence à ressentir de nouvelles et étranges sensations. C'est qu'il va faire, malgré lui, l'expérience des sentiments et découvrir la puissance de l'amour.

"Oui, c'était à cela que servait l'amour. L'amour était un moyen de vivre l'éternité en un instant, et aussi un moyen de se voir soi-même comme on ne s'était jamais vu, et de comprendre que ce point de vue avait plus de sens que toutes les perceptions et les fausses images de soi que l'on avait pu avoir auparavant."

 Dès lors, sa vie ainsi que tout ce qu'il croyait savoir, se trouvent remis en question et sa mission, plus que compromise...

Alliant réflexion existentielle, humour piquant et sens du suspens, Matt Haig réalise avec ce roman un vrai coup de maître! On rit des réflexions de l'extra-terrestre sur les pratiques des humains et sa façon de dire tout ce qu'il pense car il ne connaît pas l'hypocrisie et la langue de bois et nous sommes émus, l'instant d'après, par ses réflexions particulièrement justes.

"...Car, comme pour les couchers de soleil, être humain, c'est se trouver dans un entre-deux; une journée éclatante de couleurs aux abois fonçant de manière irrémédiable vers la nuit."

 "Apprécier modérément quelque chose, c'est lui faire insulte. Aime ou déteste. Sois passionné. L'indifférence progresse avec la civilisation. C'est une maladie. Immunise toi, avec l'art et l'amour."

Humains, Matt Haig, Hélium, 2014

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